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Chef Scout : éducateur ou administrateur?

Depuis les débuts du scoutisme en 1907, le chef scout est perçu comme un homme de terrain qui participe aux activités avec les jeunes qui lui sont confiés. Baden-Powell a bien donné ce rythme lors du premier camp scout sur l'île de Brownsea : le "World Chief" y campe, montre comment faire, anime et mène le groupe. C'est vrai aussi pour le Chef de Patrouille (CP), le Chef de Troupe (CT), le Chef de Groupe (CG)... ou tout Commissaire. Quel que soit l'échelon, le chef est d'abord un scout vivant la Loi Scoute et pratiquant le campisme en pleine nature.

Baden-Powell au camp de Brownsea de 1907


Pourtant, une tendance inverse s'est installée : l'inflation bureaucratique. Lentement mais sûrement, les chefs scouts se retrouvent happés par une montagne de tâches administratives qui grignote leur temps, leur énergie et finalement leur raison d'être.

Le chef scout, un meneur d’hommes avant tout

Il n'y a pas de secret, un chef qui passe des heures à écrire des mails, à faire des visios et à compléter des tableaux excel ne joue pas son rôle et n'a pas l'impact éducatif que l'on peut attendre de lui. Si une activité se prépare sérieusement derrière un bureau, ce n'est que pour mieux enfiler ses chaussures de marche et développer la pédagogique active prévue sur le terrain à la tête de ses gars.

Si un Chef de Patrouille demande de l'aide à son Chef de Troupe, ce n'est pas pour recevoir une "fiche pédagogique" mais une vraie démonstration sur le terrain. C'est par les actes que les maîtrises seront respectées.


La bureaucratie : un envahisseur silencieux

Mais il faut se rendre à l'évidence, la bureaucratie s'est multipliée, petit à petit insidieusement. La chaîne téléphonique de Patrouille a d'abord été remplacée par l'email, complété ensuite par Whatsapp ; le Conseil des Chefs (CdC) est remplacé par des emails de validation d'activités puis par des comptes rendus téléphoniques ; les Cours d'Honneur (CdH) durant l'année se font même parfois en visio-conférence... mais en uniforme quand même, enfin le haut... pour la caméra !

Le Chef d'Unité peut aujourd'hui administrer ses Chefs de Patrouille (CP) de sa tour de contrôle sans même se déplacer et on ne peut pas lui en vouloir : ce comportement s'est généralisé et devenu systémique. L'objectif premier n'est plus de faire entrevoir des possibilités mais de rappeler en permanence les risques, la réglementation et les interdits.

Chaque élément pris isolément semble anodin. Ensemble, ils constituent la ruine du système éducatif qu'est le scoutisme.


Les conséquences : une pédagogie appauvrie

On peut citer quelques conséquences :

  • Les activités sont moins nombreuses et moins ambitieuses pour éviter les justifications et demandes d'autorisations ;

  • Les CP démissionnent ou végètent avec leurs patrouilles tout en maquillant les après-midis maussades par des comptes rendus avantageux ;

  • Sans préparation et suivi d'année, les camps deviennent à leur tour minables et finalement dangereux à cause de l'inexpérience des scouts en pleine nature ;

  • Le scoutisme s'embourgeoise et le raid à la boussole sera remplacé par la fête paroissiale, bien moins risquée.

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1er Camp-École de "Scoutmestre" à Gilwell avec BP en 1919


Comment retrouver l'équilibre?

Il ne s’agit pas de nier les contraintes modernes ni de prôner l’improvisation.

Voici quelques pistes :

  1. Privilégier un scoutisme local et en pleine nature ;

  2. Nommer des adjoints administratifs aux différents échelons pour recentrer le chef sur son rôle éducatif ;

  3. Simplifier les descriptions d'activités et comptes rendus, promouvoir les visites sur le terrain ;

  4. Soutenir les jeunes par l'exemple et la transmission de l'expérience sur le terrain dans l'esprit du camp-école (on ne demande pas à ses scouts, à ses CP ou à ses chefs d'unité des techniques ou compétences qui nous sont étrangères*) ;

  5. Retrouver l'esprit de Loi Scoute en toute chose par l'énoncé de possibilités positives malgré la réglementation. Il s'agit de s'adapter continuellement en connaissant mieux les règles et leur esprit ;

  6. Ne pas fuir le risque (ce qui inhiberait toute action) mais apprendre à le maîtriser.

Il faut avoir le courage de le dire : la bureaucratie est en train de tuer le scoutisme, lentement mais sûrement. Elle étouffe l’initiative, sclérose les équipes, fait fuir les nouveaux chefs et dévore le temps qui devrait être consacré aux jeunes.

Et pendant que certains se rassurent avec des tableaux Excel impeccables, le cœur battant du mouvement — l’aventure, l’audace, la vie en équipe — se vide de sa substance. Il est urgent de retrouver le bon équilibre.


*Ce qui est normal dans le monde professionnel ne l'est pas forcément dans la sphère éducative. Un patron peut embaucher un salarié pour obtenir une compétence qu'il n'a pas dans l'entreprise. Un chef scout ne peut pas en faire autant avec un subordonné : un chef, quel que soit l'échelon, qui n'aurait pas au minimum le niveau de 1ère Classe doit rapidement combler le retard ou perdrait sa légitimité.

 
 
 

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