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Le Chanoine Cornette, le "Vieux-Loup"

d'après les écrits de Mlle Chandioux (1) et de l'Abbé de Grangeneuve (2)


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Antoine-Louis Cornette naît le 8 novembre 1860 dans la maison familiale de Pierrefite-sur-Loire dans l'Allier. Sa tante Jeanne, femme pieuse du village, est choisie pour le porter sur les fonds baptismaux.


Son Enfance

La famille Cornette s'est installée à Bourbon-Lancy en Saône-et-Loire à une vingtaine de kilomètres de Pierrefite. Antoine-Louis rentre à l'école à six ans chez les Soeurs de la Charité et de l'Instruction Chrétienne dont Soeur Claire, sa tante, est Supérieure d'une des maisons de la Congrégation. Elles lui transmettent les premières notions de français et de calcul ainsi que "la divine semence qui donnera rapidement sa merveilleuse floraison".

Antoine-Louis est proche d'un de ses oncles qui habite Riorges dans la Loire où il passe les étés. Ils parcourent ensemble la campagne. Un jour, le bambin chute : "Tu as fait un faux pas, lui dit son oncle. Retourne en arrière, refais la route, évite la pierre qui pouvait te faire tomber et te blesser. Dans la vie, mon enfant, il ne faut pas faire de faux pas et quand on est surpris il faut réparer..."


Antoine-Louis rentre ensuite à l'École des Frères, c'est un bon élève, il travaille bien et remporte les premiers prix. Ils passent certaines vacances à Pierrefite, chez sa marraine Jeanne restée au village. Elle le surprend à élever des autels et à jouer à célébrer la Messe dans le jardin de la maison avec d'autres camarades du village.

À 15 ans, il entre au petit Séminaire de Rimont, situé en pleine campagne, au cœur d’un tout petit village situé sur une colline de la côte chalonnaise entre Germagny et Buxy dans le diocèse d'Autun (Saône-et-Loire).

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A Rimont, la vie est rude : "il fallait le matin briser la glace de sa cuvette pour procéder aux ablutions, souffler dans les doigts gourds pour cirer ses souliers... puis, dans le froid du matin, courir à l'église glacée pour entendre pieusement la Messe... et battre la semelle au cours des parcimonieux instants de récréation". Antoine-Louis ne rentre chez ses parents qu'au mois d'août pour six semaines de vacances : le séminariste studieux faisait ses devoirs sur "la terrasse qui formait une sorte de jardin suspendu à la hauteur du premier étage de la maison familiale" entrecoupés de grandes randonnées dans la campagne bourguignonne. Des temps paisibles qu'il gardera en mémoire toute sa vie...


Le Grand Séminaire

Antoine-Louis entre naturellement au grand séminaire d'Autun mais il y tombe malade. Ses parents ayant déménagé à Paris, ils demandent à l'évêque d'Autun, une autorisation pour que leur fils puisse rejoindre le grand séminaire d'Issy (3). La demande est acceptée et Antoine-Louis y continue à se soigner et à y étudier avec acharnement. Une fois sous-diacre, il part pour un temps de stage en tant que professeur des "Grands-Moyens" au Collège des Oratoriens de Juilly dans le Nord-Est de la région parisienne (4). Quand il retourne à Paris pour recevoir les derniers degrés qui le séparent du Sacerdoce, il quitte Juilly et ses amis avec le cœur serré mais aussi quelques espoirs de retour...

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Il reçoit l'Ordination Sacerdotale le 17 décembre 1887 pour le diocèse de Paris.

L'Abbé Cornette et son père
L'Abbé Cornette et son père

Avec joie, l'Abbé Antoine-Louis Cornette est rappelé à Juilly où il passera dix années comme censeur des Grands. Mais c'est aussi au collège de Juilly qu'il est empoisonné au blanc de césure par la peinture fraîche de sa chambre. Il devient paralysé définitivement des deux bras. Handicapé, il revient alors à Paris, proche de ses parents, à la toute fin du XIXème siècle (5).

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Saint-Honoré d'Eylau

M. l'Abbé Marbeau est le curé des parents de l'Abbé Cornette sur la paroisse Saint-Honoré d'Eylau (Paris 16e). "Il fit du jeune prêtre son familier, se l'attacha comme secrétaire et lui témoigna jusqu'à sa mort une affection paternelle". Antoine-Louis s'occupe d'abord du catéchisme sur la paroisse et s'intéresse ensuite aux lycéens qui, selon lui, ont besoin de compléter leur instruction chrétienne déficiente pour devenir des hommes de foi solide. C'est ainsi que se crée, en 1902, la Réunion d'Eylau (R.E.) "dans un but d'Instruction supérieure et d'Action sociale". Tous les dimanches, les membres de la R.E. se réunissent pour écouter une conférence préparée par l'un d'entre eux sur un sujet de son choix suivie d'un partage commun animé par l'Abbé Cornette. La R.E. publie une revue "L'Étoile". Un cercle féminin dans le même esprit s'ouvrira également sous la direction de l'Abbé Cornette, comme prêtre habitué (et non comme Vicaire qu'il ne deviendra qu'en 1921). L'abbé se dépense sans compter.

L'été, il a pris l'habitude, jusqu'à la déclaration de la guerre de 1914, de partir à Saint-Mortiz-Dorf, station de ski à 1800m d'altitude en Suisse. Il y aide le curé dans ses missions : messes dans les villages, homélies d'appel au dévouement et à la charité de la part de la population huppée du lieu, visites des nécessiteux et des malades, construction d'une salle pour les ouvriers, agrandissement de l'église...


La Guerre de 1914 et le Début des "Entraîneurs"

À 54 ans, malgré son handicap, il devient Aumônier des Hôpitaux militaires de la région parisienne et chargé de missions de remplacement d'aumôniers malades ou blessés au front.

Les R.E. continuent durant ce temps de guerre. Deux frères y participent : Paul et Marcel Coze qui reviennent d'Égypte où ils ont pu expérimenter les méthodes éducatives de l'anglais Robert Baden-Powell. Paul remet à l'Abbé Cornette le livre "Scouting for Boys" de B-P que l'Abbé dévore en une nuit. En 1916, Paul et Marcel sont alors autorisés à fonder une patrouille au sein de la Réunion d'Eylau après l'approbation de M. Soulange-Bodin, curé de Saint-Honoré d'Eylau depuis 1910.

Le succès est rapide , le groupe prend le nom d' "Entraîneurs Catholique de France" et dès 1919, il essaime sur la paroisse Saint-Jean-Baptiste de la Salle.


Les Premières Rencontres

Deux autres mouvements de "protoscouts" catholiques existent sur Paris :

  • Les Intrépides fondés en 1913 par Henri Gasnier et l'Abbé Marcel Caillet sur la paroisse N-D du Rosaire.

  • Les Vaillants Compagnons de St-Michel fondés en 1915 par Lucien Goualle et l'abbé de Grangeneuve sur la Paroisse de l'Immaculée Conception.


Sous l'impulsion d'Henri Gasnier et de l'Abbé Marcel Caillet, des rencontres entre Intrépides, Vaillants Compagnons et Entraîneurs ont lieu mais s'avèrent peu fraternelles. Les garçons, les méthodes et les costumes sont très différents et cela convainc les chefs qu'une action commune est nécessaire pour jeter les bases d'une association d'Éclaireurs catholiques. Mais il manque l'expert en scoutisme pour initier sérieusement la démarche. Comme à son habitude, l'Abbé Cornette prend le temps de la réflexion et de la prière et... attend l'intervention de la Providence.


Le Père Jacques Sevin

En 1919, le Père Jacques Sevin sj, est de passage à Paris. Anglophone, il a étudié en Angleterre, à la source, le scoutisme de Baden-Powell et l'a expérimenté en Belgique en fondant une troupe à Mouscron en 1917. Il vient d'ouvrir une troupe de "Boy-Scouts Catholiques" à Lille avec les élèves de l'école de mécanique et l'aide de Xavier Sarrazin. Mais surtout, le Père Sevin est en train de terminer son livre "Le Scoutisme, Études et Applications" qui donne les clés pour adapter le scoutisme britannique à la jeunesse catholique Française. C'est bien l'homme providentiel attendu.

L'abbé Cornette demande au Père Sevin de présenter ses travaux aux différents acteurs parisiens dans la salle de la Réunion d'Eylau. Sans référence aux Entraîneurs, "sorte de Chevalerie à allure militaire et religieuse", ni aux Intrépides et Vaillants Compagnons, groupes populaires qui avaient pour référence le "Manuel des Éclaireurs" du Commandant Royet, le Père Sevin expose sa conception d'une association scoute catholique originale.

Un choix difficile se pose : les différents groupements catholiques de Paris, mais aussi de Lille et Nice (Éclaireurs catholiques de France de l'Abbé d'Andréis), allaient-ils accepter d'abandonner leurs noms, leurs méthodes et leurs particularités pour adopter fidèlement le Scoutisme de Baden-Powell avec une Loi, des méthodes et des règlements communs.


La Décision

L'Abbé Cornette "était parfois long à prendre une décision définitive ; mais quand il avait clairement reconnu devant Dieu le but à obtenir, aucune difficulté n'était plus capable de l'arrêter". Tous devaient devenir des Scouts de Baden-Powell, mais Catholiques, fiers de leur foi et au service de l'Église. Il se lance alors dans la bataille et pèse de tout son poids pour unifier, faire tomber les obstacles et entraîner les sceptiques derrière la bannière des "Scouts de France". Il prend une grosse partie du poids de cette nouvelle fondation sur ses épaules : il devient Aumônier Général et arrive à persuader un laïc de renom de prendre la responsabilité de Chef-Scout : le Général de Maud'huy.

La "Fédération des Scouts de France" est fondée officiellement le 25 juillet 1920, elle fédère sous le même étendard vert tous les groupes "protoscouts" catholiques dont les acteurs principaux rejoignent le Comité Directeur.


1920-1936 : 16 ans de Service à la tête des Scouts de France

Si le Père Sevin développa la méthode scoute catholique fidèle à B-P ainsi que la mystique associée, l'Abbé Cornette devenu Chanoine eut l'influence, les relations, les finances et le charisme nécessaires pour les mettre en application à grande échelle.

Tous les deux se sont usés au service de la jeunesse de France, ils connaîtront "les oppositions, les incompréhensions, les traverses, les hostilités qui sont la trame habituelle de la vie des novateurs".

Mais le Chanoine Cornette sut, avec toute sa finesse et sa charité, faire des opposants des auxiliaires et des amis.


Pourquoi les Scouts de France? Le Vieux-Loup répond dans le BdL n°64:

Pour rebâtir, au lendemain de la guerre, au milieu de ruines matérielles et morales accumulées, avec des matériaux de qualité, la Cité de Dieu; pour renouer le pacte conclu par Clovis avec le Christ au baptistère de Reims, et qui fit de la France la Fille Aînée de l'Église, pour faire surgir, dans notre pays, une race bien décidée à harmoniser sa vie avec une foi dont elle aurait la fierté, harmonie et fierté que symbolise cette Croix potencée, que nous avons placée sur le chapeau de nos Scouts et que nous avons cousue sur leur poitrine.
Le Vieux-Loup au milieu du Grand Hurlement des petits loups en 1930
Le Vieux-Loup au milieu du Grand Hurlement des petits loups en 1930

Antoine-Louis Cornette reçoit la Légion d'Honneur le 20 juillet 1930.

Il publie "l'éducation morale par le scoutisme catholique" en 1921, "Scoutisme et recrutement sacerdotal" en 1932 et de nombreux articles dans la revue "Le Chef" et dans le bulletin des aumôniers de la Fédération.


Fin de piste

En août 1936, le Vieux-Loup retourne, après les funérailles du Chef-Scout Guyot de Salins, à Chamarande, le camp école nationale des Scouts de France. Il doit assister au 31ème cours de Scoutmaîtrise et au 6ème cours d'Aumônerie.

Il dit sa dernière Messe à l'oratoire du camp le jeudi 20 août 1936.

Son état de santé s'aggravant, après avoir communiqué aux Aumôniers en formation ses dernières recommandations, il est ramené à Paris le jeudi 3 septembre.

Le lundi 7 septembre, il reçoit l'Extrême-Onction des mains du Père Forestier qui le remplacera comme Aumônier Général.

Il reçoit la Sainte Communion pour la dernière fois le mardi 8 septembre.

Antoine-Louis Cornette rend son âme à Dieu le samedi 19 septembre 1936 à 76 ans dans la 49e année de son Sacerdoce.


Le Père Forestier écrira dans le journal La Croix du 20 sept. 1936:

A ce chevet d'agonie, on ne pouvait s'empêcher de penser que, sans celui qui souffrait là, tous ces groupes qui sillonnent les routes sac au dos ranimant les vieux pèlerinages, fleurissant les Vierges des portails, redressant les calcaires aux carrefours, tous ces chants nouveaux à Notre-Dame, ce plus traditionnel, mais aussi ce plus renouvelé de tous les christianismes vécus, sans le Vieux Loup rien de tout cela n'existerait.
Obsèques du Chanoine Cornette
Obsèques du Chanoine Cornette

(1) Irène Anne Chandioux (1878 - 1963) était la petite-nièce du Vieux-Loup qui l'assista quotidiennement comme secrétaire quand celui-ci perdit l'usage de ses bras. Elle était appelée à juste titre "Patte de Loup". Elle écrivit une biographie du Chanoine Cornette dans l'édition spéciale du n°137 de la revue "Le Chef" de novembre 1936.

(2) L'Abbé André de Grangeneuve fonde le patronage de l'Immaculée Conception à Paris qui deviendra en 1915 les Diables Blancs sous l'impulsion d'un jeune de 16 ans, Lucien Goualle. A son retour du front, l'Abbé de Grangeneuve transforme les Diables Blancs en Vaillants Compagnons de Saint-Michel. Il écrit un article sur le début du scoutisme catholique en France dans l'édition spéciale du n°137 de la revue "Le Chef" de novembre 1936.

(3) Sans cette première maladie, on peut penser qu'il n'aurait sûrement pas quitté le diocèse d'Autun pour celui de Paris et aurait ainsi été éloigné des prémices du Scoutisme Catholique dans la capitale.

(5) C'est donc encore une fois la maladie qui le ramène vers la capitale pour la deuxième fois.

 
 
 

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