Cet article est tiré d'un texte d'un de nos grands anciens, le RP Doncoeur, aux débuts de la Route Scouts de France en 1932 (Le Chef, 1 janvier 1932). Il vient introduire ce que les rapports fraternelles entre jeunes et anciens peuvent avoir de complémentaires et bénéfiques... Le scoutisme a tout autant besoin de ses anciens que de sa jeunesse. Qu'on se le dise!
Qu'est-ce que la jeunesse? Ce grand ami de Foch, Jacques de Chabannes, seigneur de la Palice, répondrait qu'elle est le contraire de la vieillesse. Aurait-t-il tort?
Être vieux, c'est avoir vécu et par suite, être fatigué. Le corps qui est le siège propre de la fatigue de l'âge, trahit le premier la jeunesse. Hélas! nous le savons bien à monter nos étages, le coeur n'a plus l'insouciance qui nous faisaient à vingt ignorer son effort. Les muscles se sont raidis d'arthritisme. La vue se fait "presbyte". Et que de misères - les petites misères de l'âge, ou les grande - nous rappellent à chaque saison l'usure des années de travail! La fragilité de l'organisme nous tient dans une prudence de plus en plus méticuleuse: peur des efforts violents ou peur des courants d'air. A peine si les précautions, les régimes nous défendent, si le sommeil nous repose, si les traitements, les médications, les cures luttent contre l'intoxication mystérieuse de la vie. Quant aux réconforts qu'apportaient, jadis un exercice au grand air, un bon dîner, une nuit de sommeil, nous ne pouvons plus demander à l'organisme une telle plénitude de réaction, nous en sommes réduits aux sagesses timorées de petite dépense et de nul risque.
Moralement aussi le coeur est fatigué. Il porte une lourde expérience d'échecs ou de déceptions. Il a éprouvé la méchancetés des hommes, parfois la trahison, l'abandon du moins des amis. Il sait l'existence et le pouvoir du mal. Il a appris l'humiliation des temporisations et des habiletés nécessaires, des dissimulations et du doute. Du doute sur soi-même, hélas! né de la découvertes de ses impuissances, de ses limites, de ses erreurs; de ses défaillances et plus encore de ses fautes. Puisqu'il a continué de faillir, le vieillard a plus péché. Là est le vrai stigmate de la vieillesse.
L'intelligence a beaucoup appris, supériorité souvent balancée par une servitude. [...]. Elle vit commodément dans un système stabilisé. Elle n'a plus la vitalité suffisante pour tout reconstruire; aussi se défend-elle des curiosités comme d'un imprudence. Elle exploite doucement les vieilles formules de sa jeunesse, audaces qui ont fait long feu.
La jeunesse est, au contraire de tout cela, vitalité débordante. [...] Cette ivresse lui donne un élan, une hardiesse qu'exaltent la difficulté, le combat, le danger. Elle en a, c'est évident, les intempérances et les instabilités. L'art d'un Chef de jeunes hommes consiste à protéger l'essor dont ils sont capables par la sagesse dont il a le secret. [...]
Avec son aspect physique, le tempérament moral distingue le jeune homme. Il a beaucoup de défauts, bien sûr, mais la question est de connaître en lui les dispositions heureuses qu'il y aura lieu d'exploiter. La plus évidente est l'élan, la générosité qui viennent d'une candeur mal informée de ses limites. L'afflux des forces intactes inspire le courage, l'audace et plus encore l'allégresse. Sa puissance de rebondissement est faite de beaucoup d'illusions mais de plus notables certitudes. [...] Dépourvu des éruditions séniles, il excelle où la pénétration et la rectitude des sens jouent le premier rôle. [...]. Et tels sont nos Routiers. Comme il y a le bon sens paysan insensible aux phrases du citadin, une rudesse barbare intolérable aux simagrées, ils ont un discernement redoutable aux hypocrisies du sentiment. Nous aurions tort d'invoquer le respect lorsqu'il s'agit de couvrir ce que certaines habiletés ont de moins honnête. La jeunesse ignore la "respectabilité" intellectuelle.
Réjouissons-nous d'être en Route!
Commenti